Partant
du constat que la représentation des salariés en
quatre instances différentes dans l’entreprise
telle que prévue en droit français ne favorise
ni la qualité du dialogue social ni la capacité
d’influence des représentants des salariés, le
gouvernement entend élargir les possibilités de
fusionner les instances en charge de la
consultation et d’intégrer la négociation au
sein de ces instances.
La
CFTC rappelle que nos institutions
représentatives du personnel ont chacune une
histoire (ancienne), une spécificité et ont fait
preuve de leur utilité, du moins dans les
entreprises d’une certaine taille. Les supprimer
au profit d’une seule n’est donc pas une
question simple et facile.
Mise
en place généralisée de l’instance unique de
représentation du personnel
La
CFTC conçoit que la multiplication des structures
est susceptible en pratique de constituer un frein
à un dialogue social de qualité. Elle voit dans
ce regroupement l’opportunité de limiter la
dilution de l’information. Mieux informés et de
façon plus globale les représentants auront une
meilleure visibilité et donc une action plus
cohérente.
Cela
étant, la CFTC alerte sur la confusion que
pourrait entrainer cette fusion pour des
représentants du personnel qui seraient « multi
casquettes » non spécialistes des conditions de
travail. Des mesures doivent être prévues
pour
éviter cet écueil. D’autre
part nous
tenons
à ce que cette
fusion
n’aboutisse pas à la dilution voir la
suppression du traitement des questions de santé
sécurité conditions de travail, comme
nous pouvons l’observer lorsque des délégués
du personnel se voient confier ces missions dans
leurs prérogatives dans les entreprises de moins
de 50 salariés.
Si
le principe de regroupement des IRP devait être
retenu :
· La
CFTC ne saurait accepter que ce regroupement
conduise à un appauvrissement des prérogatives
et moyens.
Cette
éventualité serait pour le moins contradictoire
avec l’objectif affiché de la réforme à
savoir un dialogue social efficace parce que
renforcé et une représentation adéquate de la
collectivité de travail. Le document présentant
le bilan et les orientations remis par le
ministère aux partenaires sociaux à l’issue du
cycle 2 des rencontres bilatérales, mentionne
pour les entreprises de plus de 300 salariés un
budget de fonctionnement de la nouvelle instance « au
moins égal au budget actuel du comité d’entreprise ». La
CFTC conçoit difficilement que ce budget puisse
être égal dans l’hypothèse, par exemple, où
certaines des expertises de l’actuel CHSCT
seraient imputées sur ce budget.
· La
CFTC demanderait, à tout le moins, que soit
préservée la possibilité de garder les
instances actuelles séparées par accord
collectif avec les attributions et les moyens de
la législation actuelle. A
ce titre, la CFTC regrette et s’étonne de lire
que la fusion des Instances représentatives du
Personnel (IRP) semble avoir un caractère quasi
inéluctable. Elle note que le Conseil d’État a
récemment fait la même observation au
gouvernement. Elle y voit surtout une
contradiction avec l’objectif visé par ailleurs
de développer le dialogue social à l’échelle
de l’entreprise. Toutefois, la CFTC note et
accueille favorablement l’évolution transcrite
dans le document « Bilan
et orientations » évoqué plus
haut. Ce document fait état de la possibilité
laissée aux entreprises de plus de 50 salariés
de prévoir, par accord, « une
organisation différente des instances, par
exemple pour maintenir les délégués du
personnel ».
· Elle
demande enfin que le monopole de représentation
au premier tour des élections soit maintenu dans
tous les cas de figure notamment dans l’hypothèse
où l’instance unique de représentation du
personnel intègrerait la négociation des
conventions et accords. Concernant
les conditions de cette éventuelle intégration
et en l’état actuel de rédaction du projet de
loi, la CFTC n’est pas en mesure d’arrêter un
positionnement tranché. Elle
ne saurait toutefois accepter que ces conditions
conduisent à exclure de la négociation le
délégué syndical (acteur historique de la
négociation) quand il est présent dans l’entreprise. Le
document « Bilan
et orientations »
apparaît de ce point de vue rassurant puisqu’il
stipule que le « gouvernement
n’a aucune intention de remettre en cause la
règle selon laquelle les interlocuteurs uniques en
matière de négociation dans l’entreprise sont
les délégués syndicaux ».
S’agissant
de la négociation en l’absence de délégué
syndical dans l’entreprise.
La
CFTC n’est pas favorable au fait que la
négociation puisse être possible en l’absence
de délégué syndical dans l’entreprise.
Si
cette option devait malgré tout être retenue par
le gouvernement, la
CFTC pose deux conditions cumulatives :
D’une
part si les thèmes visés par la négociation d’entreprise
sont couverts par un accord de branche alors la
négociation d’entreprise sans délégué
syndical n’a pas lieu d’être. Ce n’est qu’en
l’absence d’accord de branche et parce que l’entreprise
ne disposerait pas alors de normes auxquelles se
référer que la négociation serait possible (et
à la condition posée ci-dessous)
D’autre
part, la CFTC demande qu’une distinction soit
opérée en fonction de l’effectif dans l’entreprise.
La CFTC ne saurait accepter que cela soit possible
dans les entreprises
au-delà
de 100
salariés.
Puisque
73 % des entreprises de 50 à 100 salariés ne
dispose pas de DS, la CFTC peut effectivement
concevoir que dans ces situations, l’objectif de
développement du dialogue social se heurte à des
obstacles dont la levée serait longue et
incertaine.
En
deçà du seuil de 100 salariés, la négociation
pourrait s’engager avec des élus non
délégués syndicaux.
Au-delà
de ce seuil de 100 salariés
le
raisonnement est tout autre puisque 50 % des
entreprises de 100 à 150 disposent
d’un
DS. Ce
taux de couverture bien qu’encore insuffisant
marque ainsi la lente mais constante progression
de la reconnaissance par les directions d’entreprises
du fait syndical. Permettre aux 50% d’entreprises
restantes de négocier avec un élu non adhérent
à une organisation syndicale serait envoyer un
signal contreproductif au regard de l’objectif
visant à conforter les partenaires sociaux. Il y
a aurait là comme un effet « prime »
à la non reconnaissance du fait syndical dans l’entreprise.
La CFTC ne peut le concevoir !
Dans ces cas, elle préconise que la négociation
ne puisse s’engager qu’avec un négociateur
dûment mandaté (sous une quelconque forme) par
une organisation syndicale représentative.
Évolution
vers la codécision en augmentant
le
champ de l’avis conforme par rapport à l’avis
simple.
Ayant
toujours privilégié la négociation comme mode
de construction sociale, la CFTC accueille
favorablement l’ambition affichée par le
gouvernement de penser et mettre en œuvre la rénovation
de notre modèle social en étroite concertation
avec les partenaires sociaux. Certaine qu’il ne
saurait y avoir de performance économique durable
de nos entreprises sans performance sociale
durable, la CFTC ne conçoit la pertinence d’une
fusion des IRP que si cette dernière conduit à
un renforcement de la capacité des représentants
du personnel à peser sur les orientations
stratégiques de l’entreprise.
Sans
aller jusqu’à la cogestion à l’allemande,
cette question de la formalisation de solutions
alternatives proposées par cette instance unique
doit donc être renforcée. C’était le cœur de
la loi Auroux de 1982 sur le CE : elle n’a
jamais été comprise, ni appliquée (dixit Jean
Auroux).
Pour
que cette instance puisse effectuer efficacement
ses missions, deux éléments doivent être
améliorés : l’information et la prise en
compte des vœux des salariés émis par leurs
représentants.
Pour
ce faire, nous proposons que la fusion des IRP s’accompagne
d’un élargissement des domaines de consultation
nécessitant un avis conforme du Conseil d’entreprise.
Il s’agira ainsi de donner aux élus un
véritable pouvoir d’opposition à certaines
décisions patronales notamment lorsque l’emploi
(réorganisation, licenciements, reclassements,…)
est en question.
Dans
ces domaines ou dans d’autres comme listés
ci-dessous, la branche pourrait, par accord,
prévoir des modalités particulières renforçant
le pouvoir des élus et ne laissant pas un pouvoir
absolu aux employeurs :
• Moyens
de contrôle de l’activité des salariés
• Remplacement
de tout ou partie des heures supplémentaires par
un repos compensateur dans les entreprises sans
Délégué syndical
• Attribution
et prise du repos compensateur de remplacement
• Utilisation
du contingent annuel d’Heures supplémentaires
•
Prévoyance
• Règlement
intérieur
• Mise
en place d’astreintes
• Consultation
sur les OPA
La
CFTC demande de prévoir, pour toutes les
consultations, que les avis de l’instance soient
transmis aux organes dirigeants de l’entreprise
(Conseil d’administration ou de surveillance,
…) comme cela existe déjà pour la consultation
sur les orientations stratégiques.
Améliorer
l’information !
Pour
des représentants du personnel, l’information
est le nerf de la guerre. Or, depuis la base de
données économiques et sociales (BDES), beaucoup
d’entreprises ne donnent plus d’informations
avant les consultations même lorsque celle-ci
sont ponctuelles mais importantes. Or, ce n’était
pas l’objectif de la BDES. Une
information précise, loyale et complète devrait
toujours être donnée même dans le cadre d’une
consultation ponctuelle. De
plus, très peu d’entreprises ont réellement
satisfait à la loi en matière de BDES
informatisées et actualisées. Beaucoup d’entreprises
n’ont rien fait et d’autres se sont
contentées de fournir aux représentants du
personnel des fichiers PDF ou des tableaux Excel
qui ne sont aucunement interactifs. La lecture et
la compréhension est donc toujours aussi complexe
dans la majorité des cas.